Audiovisuel public: Thomas Legrand et Patrick Cohen vont s'expliquer face aux députés
L'heure de la grande explication pour Thomas Legrand et Patrick Cohen: les deux journalistes sont entendus jeudi par les députés sur la vidéo polémique de leur rendez-vous avec des cadres du PS, au coeur des accusations d'accointances entre l'audiovisuel public et la gauche.
"J'attends de pouvoir faire la transparence sur les soupçons de collusion qui ont été mis en lumière" et "j'aimerais à minima" que les deux éditorialistes "reconnaissent leurs torts", anticipe auprès de l'AFP le rapporteur de la commission d'enquête sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l'audiovisuel public, le député UDR (parti allié au RN) Charles Alloncle.
De son côté, Thomas Legrand a confié sa "hâte". "Je bous d'expliquer les choses. Tout est parti d'une grosse manipulation", affirme à l'AFP l'éditorialiste politique de Libération, dont l'émission hebdomadaire a été supprimée sur France Inter suite à l'épisode.
La vidéo du scandale, diffusée début septembre par le magazine de droite conservatrice L'Incorrect, montrait les deux journalistes en pleine discussion avec deux cadres du PS dans un restaurant parisien.
Durant l'échange, M. Legrand évoque les stratégies de la gauche aux prochaines élections, et lâche, au sujet de la candidate de la droite parisienne Rachida Dati : "nous on fait ce qu'il faut pour (Rachida) Dati, Patrick (Cohen) et moi".
Entendue mercredi par la commission, la présidente de Radio France Sibyle Veil a concédé que ces propos sont "problématiques", mais a regretté que l'affaire ait été "instrumentalisée".
Les deux journalistes ont dénoncé un montage et porté plainte.
- Pas des juges -
Cet épisode avait relancé avec vigueur les accusations, chères à une partie de la droite et de l'extrême droite, de connivence entre les médias de l'audiovisuel public et la gauche.
Jeudi devant la commission d'enquête, la directrice de France Inter Adèle Van Reeth auditionnée à son tour s'est inscrite en faux: "toute accusation idéologique est absolument contestable et ne repose sur aucun fait".
Et si elle a pu qualifier son antenne de "radio progressiste", ce n'est pas dans "un sens partisan, militant ou politique, mais plus culturel".
La journée en commission s'annonce sous haute tension. La vidéo avec Thomas Legrand et Patrick Cohen a aussi déclenché une vive bataille entre les patronnes de Radio France et France Télévisions d'une part, et les médias dans la galaxie du milliardaire conservateur Vincent Bolloré de l'autre.
Les deux groupes publics ont fini par assigner pour dénigrement le JDD, Europe 1 et CNews devant le tribunal des activités économiques, en leur reprochant de matraquer les accusations sur leurs antennes pour leur nuire.
Depuis le lancement de la commission, fin novembre, Charles Alloncle et des députés RN et LFI ont questionné sans ménagement leurs hôtes, du patron de l'Arcom, le régulateur de l'audiovisuel, aux présidentes de France Télévisions et Radio France.
"Parfois les commissions d'enquête peuvent être dévoyées ou utilisées à des fins politiques", a tancé mercredi la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, disant "rappeler à l'ordre le rapporteur" Charles Alloncle.
En retour, celui-ci a dénoncé une "tentative de déstabilisation".
"Patrick Cohen et Thomas Legrand ne sont pas là pour répondre à des juges", affirme de son côté le président de la commission, Jérémie Patrier-Leitus. "Mais il est évident que cette vidéo, dont je conteste fermement la méthode, a suscité l'émoi d'une partie des Français et pose question", souligne-t-il.
Charles Alloncle compte lui aborder des révélations égrenées depuis mardi sur Europe 1 à propos de conversations privées qui auraient eu lieu dans un autre café récemment, entre Thomas Legrand et l'ancienne directrice de France Inter (2014-2022) Laurence Bloch.
Cette dernière y aurait demandé au journaliste de "rompre toute collaboration avec la station" et les deux auraient évoqué l'aide que pourrait leur apporter le député PS Emmanuel Grégoire, l'un des membres de la commission parlementaire.
"Je conseillerais à Thomas Legrand d'arrêter d'aller dans les cafés puisqu'il est visiblement enregistré", a réagi Sibyle Veil.
L'avocat du journaliste, Antoine Picard, a indiqué à l'AFP qu'un complément de plainte sera déposé, notamment pour captation illégale de conversation privée.
A.Saggese--PV